Toujours dans ma volonté de mieux comprendre l'Afrique, je suis tombé sur les Chroniques de l'Empire N'Tu. Si Imaro fait dans la low fantasy (ne serait-ce que jusqu'à sa dernière partie, et encore), les Chroniques veulent flirter avec la high fantasy la plus épique possible.
J'ai eu la chance de rencontrer l'auteur, M'buze Noogwani Ataye Mieko Momi (il a expliqué son nom, mais j'avoue avoir un peu oublié), un homme accessible et simple, mais ambitieux dans ses projets.
En effet, il veut donner à l'Afriq faire ressortir les marques de noblesse de l'Afrique. Que ce soit en s'investissant dans le milieu associatif et militant panafricain, ou plus récemment en s'essayant à l'écriture et concevant des univers imaginaires qui prendrait leurs racines dans la cosmogonie africaine. Les Chroniques ne sont alors que la première étape d'un projet plus global.
Cela maintenant plusieurs décennies que le Empire Ntu connait une paix relative, ayant réussi à se relever d'une crise interne et tenant en respect ses principaux rivaux. Cependant, certains pensent que le vent des réformes doit souffler. En effet, un groupe de jeune nobles souhaite prendre la succession des hommes en place et laisser respirer un système qui commence à se scléroser.
Néanmoins, face aux réticences des autorités en place et aux murmures de puissances étrangères dont certaines viennent de loin au nord, les Jeunes Léopards, tel que l'on les appelle désormais, vont se radicaliser et partir dans une guerre civile qui mettra en danger l'ordre multiséculaire mis en place par le premier empereur Sawati Ier.
Dans ce climat, une jeune noble, Nehesha, qui est sur le point de finir sa formation de guerrière N'Koza se retrouve au cœur des événements. D'abord en se retrouvant seule à la tête de sa famille, mais par le jeu des événements et la volonté divine, elle se retrouvera être l'espoir de l'Empire.
C'est en écrivant cet article que je me suis rendu compte que les Chroniques suivent le parcours initiatique de Nehesha, qui passe de simple apprentie guerrière (d'élite, mais quand même) à celui de commandant en chef, on va dire. Pour pas trop spoiler. Même si les grandes lignes du scénario sont assez claires, surtout quand Momi nous balance ses prophéties ultra-limpide (il aurait pu davantage jouer avec). Au risque de me faire tomber dessus, je me demande ce qui se passerait si on comparait l'aventure de Nehesha avec le Héros aux Mille et Un Visages.
L'un des points qui font que j'apprécie cette trilogie est la manière dont est construit l'Empire. On est là face à un véritable empire, c'est-à-dire différents populations unies autour d'un pouvoir central, et pas juste une simple entité autoritaire et militariste qui cherche à annexer les gentils royaumes voisins. En effet, autour du Trône du Léopard Pourpre se trouvent quatre populations qui bien qu'unis demeurent diverses. D'abord les N'Kozas des montagnes du nord, un peuple de fiers guerrier(es) et d'habiles forgerons, puis les Shandos du Sud, des financiers et des marchands qui savent traiter l'or et surtout le métal précieux qu'est l'Oloy. A ces deux peuples s'allièrent les Ntwari, peuples d'agriculteurs et d'excellents cavaliers des plaines de l'Est et les Nkwilu de l'ouest, un peuple de navigateurs et d'astrologues qui marchandaient avec des peuples venus de loin. A côté de ça, il y a vrai un soin qui est apporté à la description des différentes institutions. Quand je me renseignais sur le bouquin, on faisait le lien avec le Trône de Fer, je pense que c'est mérité. A mes yeux, Westeros est l'un des meilleurs exemples de construction de monde, et l'Empire N'Tu s'inscrit dans ce modèle. Bien qu'étant empreint d'une forte spiritualité, il reste très concret dans son approche. Les lieux sont bien décrits, de même que les équipements et les déplacements des forces. Je reconnais que j'ai pris un vrai plaisir sur toute ces parties.
Une autre richesse de la série est l'absence de personnage véritablement manichéen. Il n'y a pas les gentils noirs d'un côté et les méchants blancs de l'autre. A ce titre, par exemple, Momi avait expliqué que c'est parce que la notion de péché est une notion chrétienne, donc occidentale. Il en est de même pour les notions de Bien et de Mal. Je me souviens par exemple d'une personnage qui bien que du côté des protagonistes est presque du côté obscur, parce que son parcours l'a rendue comme ça. L'auteur prends vraiment le temps de décrire des personnages complexes, parfois tiraillés entre leurs envies et leur devoir, et devant composer avec des événements extérieurs qui ne dépendent pas de leur volonté.
Le principal défaut que je peux trouver aux Chroniques de l'Empire N'Tu en l'état actuel des choses, est le style d'écriture. Je consent que c'est subjectif et que je ne suis pas le mieux placé pour souligner mais qu'est-ce que c'est mal écrit! Je ne parle pas simplement du début qui s'apparente plus à un matraquage de connaissances sur l'Empire qui ne prennent sens que dans les autres tomes, mais de l'ensemble de l'oeuvre. Entre les coquilles (sur lesquelles on peut parfois passer) et les différentes lourdeurs dans le style, j'avais parfois du mal à continuer. Momi nous a confié qu'il a écrit l'ensemble des Chroniques en 6 mois, ça se voit.
Au final, les Chroniques de l'Empire N'Tu constituent, à mes yeux, un apport de qualité au fantastique africain. Certes, cette trilogie n'est pas sans défaut, mais il s'agit d'un premier jet qui vise à emmener d'autres. J'espère néanmoins que l'auteur va prendre, un jour, le temps de relire voire réecrire son oeuvre, dans le cadre d'une réédition notamment.
Cependant, au cours de mes recherches, j'ai réalisé qu'au final l'Empire N'Tu était principalement inspiré de l'Empire Kongo. Ce n'est pas un critique en soi, on parle de ce que l'on connait, et l'auteur est congolais. Mais ce qui m'a fait le plus tiquer est qu'à la toute fin, quand on décide de partir vers d'autres aventures, on se tourne vers l'Est. La aussi, ce sont des choix, mais je me dis que nou devons trouver notre voie.